Les transporteurs européens touchés par le poids des véhicules électriques

Les nouvelles normes allemandes sur le transport de véhicules impliquent des coûts élevés et des délais accrus pour les transporteurs européens, compliquant leurs opérations.

Les transporteurs automobiles européens font face à des coûts élevés et des risques d’amendes suite à l’introduction des nouvelles normes allemandes sur la fixation des véhicules aux remorques. Ces règles, mises en place pour améliorer la sécurité sur les routes allemandes, répondent notamment à l’augmentation du poids des véhicules électriques. Bien que l’Allemagne joue un rôle prédominant dans la chaîne d’approvisionnement de l’automobile en Europe, l’impact de ces nouvelles normes se fait sentir sur tout le continent, causant des délais accrus, des investissements importants pour les entreprises de transport, et des contraintes administratives. Les transporteurs critiquent ces changements, les jugeant coûteux et inefficaces, surtout à une période où le secteur peine encore à se remettre des conséquences de la crise du Covid-19.

Impact des nouvelles normes sur les coûts des transporteurs

L’introduction des nouvelles normes allemandes, à partir de septembre 2024, impose des règles plus strictes sur la fixation des véhicules sur les remorques, incluant davantage de sangles et de cales de roues renforcées. Les nouvelles exigences techniques imposent également une certification des camions afin de garantir leur conformité aux règlements. Cette révision a été introduite par l’organisme allemand VDI et vise à renforcer la sécurité, en particulier à cause de l’augmentation du poids des véhicules électriques. Les véhicules électriques sont, en moyenne, plus lourds que leurs homologues à combustion. Par exemple, une Tesla Model S pèse environ 2 241 kg, soit jusqu’’à 600 kg de plus qu’une berline traditionnelle à essence.

L’impact financier de ces nouvelles exigences est significatif pour les entreprises de transport. Selon les estimations de Wolfgang Goebel, membre du conseil de la société logistique Mosolf, chaque remorque pourrait voir ses temps de chargement augmenter de 5 minutes par véhicule, ajoutant environ 40 minutes à chaque trajet. Cela entraîne non seulement des coûts liés à la main-d’œuvre mais aussi une diminution de la rentabilité des opérations de transport. René Eisbrich, directeur des opérations chez Lagermax Autologistik, a indiqué que la mise à niveau de la flotte de 500 camions de son entreprise coûterait environ 1 million d’euros. De plus, certains transporteurs se retrouvent dans l’impossibilité de se conformer immédiatement en raison des retards d’approvisionnement en équipements requis, tels que les sangles et les cales de roues, ce qui les expose à des amendes.

Complexité administrative et délais accrus

Les transporteurs se plaignent de la courte période de préavis donnée pour se conformer aux nouvelles normes, seulement une semaine avant leur entrée en vigueur. Cette notification tardive a créé une pression supplémentaire sur le secteur, déjà fragilisé par la crise de la Covid-19 et les pénuries de semi-conducteurs. De nombreuses entreprises ont dû réagir dans l’urgence, ce qui a entraîné des coûts supplémentaires non prévus dans leur budget.

Par exemple, le secteur a dû augmenter sa capacité de stockage pour faire face aux retards de chargement. L’augmentation de 40 minutes par trajet peut sembler minime, mais, cumulée sur plusieurs semaines, elle engendre une perte de productivité significative pour les transporteurs et des retards dans l’acheminement des véhicules aux concessionnaires. Dans un marché automobile européen très concurrentiel, chaque jour de retard peut entraîner une baisse des ventes et une insatisfaction des clients.

Ces contraintes administratives s’ajoutent à un cadre réglementaire déjà perçu comme complexe par les acteurs du secteur. Frank Schnelle, directeur de l’ECG (European Vehicle Logistics), a critiqué la nouvelle directive en la qualifiant de « charge administrative » inutile qui n’apporte pas de réels bénéfices par rapport aux normes précédentes, en vigueur depuis 30 ans.

transport des voitures

Les risques de fragmentation du marché européen

L’introduction de ces normes pose également la question de la fragmentation du marché européen. L’Allemagne, en tant que principal pays de transit pour les transporteurs automobiles, influence directement les standards adoptés par l’ensemble de l’Europe. Le fait que ces normes ne soient pour l’instant obligatoires qu’en Allemagne crée des disparités au sein de l’Union européenne. Comme l’a souligné Kurt Garrez, responsable de la sécurisation des véhicules pour la police fédérale belge, les transporteurs doivent se conformer aux normes du VDI si les fabricants de voitures l’exigent, sous peine de recevoir des amendes pouvant aller jusqu’’à 1 000 euros.

Cette situation est compliquée par l’absence d’une harmonisation des règles à l’échelle européenne. Le manque d’uniformité dans l’application des règlements entraîne des frais supplémentaires pour les transporteurs qui doivent adapter leurs opérations en fonction du pays de transit. Cela complique la tâche des transporteurs internationaux qui doivent non seulement respecter les différentes normes en vigueur mais aussi gérer des coûts liés à la mise en conformité de leurs équipements dans chaque pays.

En réponse à ces inquiétudes, les experts techniques du VDI ont demandé à la Commission européenne de transformer ces règles en normes européennes. Cela permettrait d’éviter la fragmentation du marché unique et de garantir une meilleure cohésion au sein de l’UE en matière de transport automobile. Cependant, l’adoption de nouvelles normes européennes prend souvent plusieurs années, laissant entre-temps les transporteurs faire face à des incertitudes et des coûts accrus.

Les impacts sur la sécurité et la modernisation du parc de transporteurs

L’un des arguments avancés par le VDI pour justifier ces nouvelles normes est la nécessité de renforcer la sécurité en raison de l’âge du parc de transporteurs européens. En effet, beaucoup de remorques en circulation ont plus de 20 ans et ne sont pas nécessairement adaptées aux nouveaux modèles de véhicules électriques, plus lourds et de conception différente.

Le coût de certification des remorques anciennes est également très élevé. D’après Frank Schnelle, la certification de chaque remorque de plus de 20 ans pourrait coûter jusqu’’à 30 000 euros. Ce coût s’ajoute aux dépenses liées à la mise à niveau des équipements, notamment les sangles et les cales de roues, nécessaires pour se conformer aux nouvelles normes.

Cependant, certains transporteurs remettent en question la pertinence de ces normes. Frank Schnelle affirme que les transporteurs ont déjà accumulé une expérience de huit ans dans le transport de véhicules électriques tels que les Tesla, sans problème notable de sécurité. Selon lui, les normes précédentes, en place depuis 2009, étaient suffisantes pour garantir la sécurité des véhicules transportés.

La question de la modernisation du parc de transporteurs se pose donc avec insistance. Les nouvelles normes pourraient être l’occasion de renouveler les équipements pour les rendre plus sûrs et mieux adaptés aux nouvelles technologies. Toutefois, ce renouvellement a un coût, que de nombreuses entreprises peinent à supporter dans le contexte actuel de récession économique et de baisse de la demande.

Perspectives d’avenir pour le transport automobile en europe

Le secteur du transport automobile en Europe est actuellement confronté à des défis majeurs, entre la nécessité de se conformer à des règlements plus stricts et la réduction de la demande due à la crise économique. La pénurie de semi-conducteurs a réduit la production automobile, forçant les transporteurs à ajuster leur capacité de transport. Nombre d’entre eux ont dû réduire leur capacité et licencier des chauffeurs pour faire face à la diminution de l’activité.

Les nouvelles normes allemandes pourraient également avoir des conséquences sur le coût du transport et, par extension, sur le prix des véhicules pour les consommateurs. En raison des investissements nécessaires pour mettre les équipements aux normes, il est probable que ces coûts soient répercutés sur les prix finaux. Cela pourrait rendre les véhicules électriques, déjà plus chers que les modèles à essence, encore moins accessibles pour le grand public.

Pour réduire ces impacts, une harmonisation européenne des normes de transport pourrait être une solution viable. Une règle unique, applicable à l’ensemble des États membres, permettrait de réduire les coûts administratifs et de simplifier le travail des transporteurs. Toutefois, cette harmonisation nécessite un consensus au niveau européen, ce qui peut prendre plusieurs années. En attendant, les transporteurs devront naviguer dans un cadre réglementaire complexe et fragmenté, tout en tentant de rester compétitifs sur un marché de plus en plus exigeant.