Les constructeurs automobiles face à l’enjeu du logiciel
Les constructeurs automobiles historiques peinent à rattraper leur retard en matière de logiciels, un facteur clé pour générer des revenus dans l’ère des véhicules électriques.
L’évolution de l’industrie automobile a déplacé l’attention des moteurs vers les logiciels. Les constructeurs traditionnels, comme Toyota et Volkswagen, sont en difficulté face à des concurrents comme Tesla et des startups chinoises dans la course à la maîtrise des technologies logicielles. Des systèmes logiciels avancés permettent non seulement de gérer les performances des véhicules électriques (EV), mais aussi d’offrir des services supplémentaires tels que la connectivité et la conduite autonome. Cette transformation influence directement les revenus des constructeurs automobiles, car la capacité à intégrer des logiciels devient une clé pour accroître la rentabilité dans l’ère des EV.
La montée en puissance des logiciels dans l’industrie automobile
Avec l’avènement des véhicules électriques (VE), le cœur de l’innovation automobile s’est déplacé des moteurs vers les logiciels. Les constructeurs historiques, tels que Toyota, Volkswagen et General Motors, peinent à rattraper des rivaux comme Tesla et des acteurs émergents chinois tels que Nio, Xpeng et BYD. Selon une étude menée par Gartner, seuls trois constructeurs traditionnels — Ford, GM et BMW — figurent parmi les dix meilleurs dans le domaine des performances numériques. L’analyse de ces données souligne un écart grandissant entre les fabricants historiques et leurs concurrents en termes de développement de logiciels.
Les chiffres sont révélateurs : environ 40 % des fonctions des nouveaux véhicules seront gérées par des logiciels d’ici 2030, contre environ 10 % aujourd’hui. Cette tendance met en lumière l’importance croissante des logiciels dans la gestion des fonctions critiques des véhicules, telles que la batterie, la sécurité et la conduite autonome. Les constructeurs doivent impérativement investir dans le développement logiciel s’ils souhaitent rester compétitifs sur le marché des VE.
L’impact des logiciels sur les revenus des constructeurs automobiles
L’intégration des logiciels dans les véhicules ouvre de nouvelles perspectives de revenus pour les constructeurs. Des services basés sur l’abonnement, tels que l’entretien, les réparations et les assurances, constituent une source potentielle de revenus récurrents. Accenture prévoit que les services numériques généreront environ 3,5 trillions d’euros d’ici 2040, représentant près de 40 % des revenus de l’industrie automobile. Actuellement, ces services ne génèrent que 300 millions d’euros, soit environ 3 % des revenus des constructeurs.
Cependant, cette transition vers les services numériques n’est pas sans obstacles. Les coûts liés au développement de systèmes d’exploitation pour véhicules sont élevés, avoisinant les 11 milliards d’euros pour chaque constructeur. Cela freine certains grands acteurs tels que Renault, qui a récemment annulé l’introduction en bourse de son unité Ampere dédiée aux logiciels et aux VE.
Le cas de Volvo et des défis de l’architecture logicielle
L’exemple de Volvo illustre les défis auxquels sont confrontés les constructeurs traditionnels. Le lancement du Volvo EX90, un SUV électrique équipé de logiciels avancés et de puces Nvidia, a été retardé par des problèmes techniques. Volvo, bien qu’innovant avec des logiciels permettant une amélioration continue des véhicules après-vente, a dû composer avec des retards dans l’intégration de fonctionnalités telles que Apple CarPlay et la recharge intelligente.
Ces retards soulignent l’importance pour les constructeurs de développer des architectures logicielles solides. Un des enjeux majeurs est la centralisation des systèmes informatiques, qui permet non seulement d’améliorer les performances des véhicules, mais aussi de réduire les coûts à long terme en simplifiant le développement futur des modèles. Pour Volvo, le développement de cette architecture commune devrait permettre de baisser considérablement les coûts de production de ses prochains modèles.
L’ascension des startups et le défi des talents
Le marché des logiciels pour véhicules attire de nouveaux acteurs, notamment des startups technologiques et des entreprises telles qu’Apple et Google. Les grands constructeurs ont compris l’importance de recruter des talents issus de ces secteurs pour combler leur retard. Par exemple, Ford a débauché Doug Field, un ancien cadre de Tesla et Apple, afin de renforcer ses compétences en logiciels.
Cependant, cette intégration de talents extérieurs peut entraîner des tensions culturelles au sein des entreprises traditionnelles. Volkswagen a ainsi fait appel à la startup Rivian pour développer des logiciels après que sa propre unité, Cariad, ait échoué à tenir ses délais et son budget. Toyota a également rencontré des difficultés avec sa filiale Woven, dont les pertes ont atteint 888 millions d’euros sur les deux dernières années. La réorganisation managériale qui en a découlé, avec la démission de l’exécutif de Google James Kuffner, souligne les défis auxquels sont confrontées les grandes entreprises pour intégrer des méthodes de travail plus agiles.
Les conséquences à long terme pour les constructeurs automobiles
Le passage à un modèle où les logiciels dominent le fonctionnement des véhicules aura des conséquences profondes pour l’industrie automobile. D’une part, cela pourrait créer une dépendance accrue envers les géants technologiques pour les constructeurs qui ne parviennent pas à développer leurs propres solutions logicielles. D’autre part, cela offre la possibilité d’une réduction des coûts de maintenance, grâce à des mises à jour logicielles qui peuvent être déployées à distance, réduisant ainsi les besoins de visites en concession.
Cependant, les marges sur les véhicules électriques restent faibles, et les investissements massifs nécessaires au développement de logiciels risquent de peser lourdement sur la rentabilité des constructeurs. Pour ceux qui parviendront à réussir cette transition, les logiciels pourraient devenir un facteur clé de fidélisation des clients, en offrant des améliorations continues des performances et de la sécurité des véhicules après leur achat.
Le futur des constructeurs : une approche tournée vers le logiciel
Il est clair que les constructeurs automobiles doivent adopter une approche « software-first » pour rester compétitifs. Ceux qui ne parviennent pas à intégrer les logiciels de manière centrale à leur stratégie risquent de perdre des parts de marché au profit d’acteurs plus agiles et technologiquement avancés. Pedro Pacheco, analyste chez Gartner, avertit que les constructeurs doivent revoir leur stratégie pour réussir cette transition, soulignant que ceux qui ne placent pas les logiciels au centre de leur approche auront du mal à rattraper leur retard.
Les plus belles voitures est un magazine automobile indépendant.