L’avenir incertain de l’industrie automobile britannique face à l’EV
L’industrie automobile britannique risque de fragiliser sa transition vers l’EV en tentant de devancer l’UE, menaçant son marché et ses emplois.
Le Royaume-Uni a décidé d’accélérer la transition vers les véhicules électriques (EV) en avançant la date d’élimination des moteurs thermiques à 2030, cinq ans avant l’Union européenne. Toutefois, cette décision est critiquée par les constructeurs automobiles et les fournisseurs, car elle fragilise l’industrie déjà liée au marché européen. Le secteur automobile britannique, représentant 813 000 emplois, risque des perturbations majeures, avec une production en baisse et une compétitivité mise à l’épreuve. Les consommateurs, encore hésitants face aux prix élevés et aux problèmes d’autonomie, ajoutent à l’incertitude.
La production automobile britannique en déclin
Depuis le vote du Brexit en 2016, la production automobile britannique a chuté de manière significative. En 2023, seulement 905 000 véhicules ont été produits au Royaume-Uni, contre près de 1,7 million en 2016. En comparaison, l’Union européenne a produit 12 millions de voitures en 2023, un chiffre 13 fois supérieur.
Les raisons principales de ce déclin incluent :
- L’incertitude liée au Brexit, qui a éloigné les investissements.
- La transition accélérée vers les EV, forçant les usines à reconfigurer leurs lignes de production à un coût élevé.
Nissan, Stellantis et d’autres constructeurs alertent sur les risques économiques. Plus de 50 % des véhicules fabriqués au Royaume-Uni sont destinés à l’exportation vers l’UE. Or, des désalignements réglementaires et des coûts accrus pourraient pousser ces constructeurs à délocaliser la production, aggravant le déclin industriel.
L’impact des politiques ambitieuses sur le marché des EV
Le gouvernement britannique impose des quotas progressifs de vente d’EV pour les constructeurs. En 2024, 22 % des ventes doivent concerner les véhicules électriques, un chiffre ambitieux alors que les EV représentent actuellement 18 % des ventes. Chaque manquement à cette cible entraîne des amendes de 15 000 € par véhicule thermique excédentaire.
Pour comparaison, l’Union européenne vise 28 % d’EV pour 2025. Barclays estime que ces objectifs, bien qu’ambitieux, sont plus réalistes car ils sont accompagnés de politiques d’aide plus souples.
Les consommateurs britanniques, quant à eux, restent prudents face à :
- L’autonomie limitée des EV.
- Des prix élevés : en moyenne 40 000 € pour une voiture électrique contre 25 000 € pour une voiture thermique équivalente.
Face à ces défis, un report des amendes britanniques jusqu’en 2025 est demandé pour permettre le lancement de nouveaux modèles britanniques et ainsi rivaliser avec les importations chinoises d’EV à bas coût.
Les conséquences économiques et sociales d’une transition mal synchronisée
L’industrie automobile britannique soutient 813 000 emplois directs et indirects, dont beaucoup dans les usines et les chaînes d’approvisionnement. Une transition précipitée pourrait :
- Provoquer des fermetures d’usines.
- Entraîner des pertes d’emplois massives, surtout dans les régions industrielles comme Sunderland.
Les fournisseurs, en particulier, souffrent de la réorientation brutale des productions :
« Je n’ai plus de plan à cinq ans. À quoi bon ? » déclare un fournisseur de Nissan.
À cela s’ajoute une pression accrue pour les petites entreprises incapables d’investir dans la technologie EV. Le risque de faillites est réel, comme l’a souligné Carlos Tavares, PDG de Stellantis.
Une alternative pragmatique pour aligner les objectifs
Le Royaume-Uni pourrait adopter une approche plus progressive pour la neutralité carbone tout en protégeant son industrie :
- Aligner la date de 2035 avec celle de l’UE pour supprimer les moteurs thermiques.
- Autoriser davantage de véhicules hybrides jusqu’en 2035 pour permettre une transition douce.
- Réviser les amendes pour les constructeurs qui peinent à atteindre les quotas EV.
Ces ajustements offriraient aux constructeurs britanniques et européens la flexibilité nécessaire pour répondre aux exigences sans compromettre leur rentabilité ou la stabilité économique.
L’industrie automobile britannique, déjà fragilisée par le Brexit, ne peut se permettre une transition trop rapide vers les EV. Avec une production annuelle divisée par deux en sept ans et une dépendance au marché européen, il est crucial de ralentir et aligner les objectifs sur ceux de l’UE pour préserver les emplois et soutenir une transition durable.
Les plus belles voitures est un magazine automobile indépendant.