Lamborghini et Aston Martin face au virage électrique

Lamborghini et Aston Martin adoptent des stratégies complexes pour maintenir leur identité dans un marché dominé par la voiture électrique.

Lamborghini et Aston Martin se trouvent confrontées à un défi industriel majeur : adapter leur production à la voiture électrique sans renier leur ADN. Dans un marché automobile structuré autour des normes d’émissions, des contraintes d’homologation et des pressions réglementaires européennes et chinoises, ces marques doivent concilier performance, exclusivité et électrification. Leur stratégie ne repose pas uniquement sur le remplacement du moteur thermique. Elle repose sur une redéfinition de la valeur ajoutée perçue par leurs clients les plus fidèles. Le virage électrique ne se limite pas à une évolution technique : il s’agit d’un repositionnement industriel dans un secteur où le cycle d’innovation s’accélère, mais où le prestige repose encore sur des codes mécaniques ancrés. Voici un état des lieux précis des stratégies automobiles mises en œuvre par Lamborghini et Aston Martin.

La stratégie de Lamborghini : électrification à rythme contrôlé

Lamborghini a adopté une démarche progressive. Le constructeur de Sant’Agata Bolognese a annoncé un investissement de 1,8 milliard d’euros pour électrifier toute sa gamme d’ici fin 2024. Cela passe par une phase intermédiaire : l’hybridation.

Le premier modèle concerné est le Revuelto, remplaçant de l’Aventador, équipé d’un V12 atmosphérique couplé à trois moteurs électriques, pour une puissance combinée de 1 015 chevaux. Ce modèle illustre le choix stratégique de Lamborghini : préserver la mécanique thermique en l’adossant à une assistance électrique, sans transition brutale vers un modèle 100 % électrique.

Le SUV Urus suivra avec une version hybride rechargeable attendue pour 2024. Quant à la Huracán, elle sera remplacée en 2025 par une version hybride également. Le premier modèle 100 % électrique ne verra pas le jour avant 2028, avec un nouveau concept GT à quatre places, positionné au-delà de l’Urus en termes de gabarit.

Le constructeur cherche avant tout à conserver le caractère mécanique, considéré comme un critère d’achat fondamental chez ses clients. Lamborghini ne s’adresse pas à un public concerné par l’autonomie ou le temps de recharge, mais par l’expérience de conduite et la signature sonore.

L’argument de durabilité est secondaire dans le discours marketing de la marque. Le choix des matériaux allégés, comme la fibre de carbone, et les efforts sur l’aérodynamisme ne sont pas nouveaux. Lamborghini mise sur une transition contrôlée, calibrée pour répondre aux normes sans bouleverser la perception du produit.

Enfin, Lamborghini reste dans le giron du groupe Volkswagen, qui amortit les coûts de développement électrique via Audi et Porsche. Le partage de plateformes reste une option stratégique, même si l’identité de Lamborghini impose un certain degré d’isolement technologique.

Lamborghini et Aston Martin face au virage électrique

La stratégie d’Aston Martin : électrification sous contrainte financière

Le cas Aston Martin est plus complexe. La marque britannique souffre de fragilités structurelles. Sa capitalisation boursière reste volatile, ses volumes annuels inférieurs à 7 000 unités, et son endettement élevé ralentit ses capacités d’investissements.

L’électrification est pilotée sous contrainte. La marque a signé un partenariat stratégique avec Lucid Motors, constructeur californien spécialisé dans la voiture électrique. Lucid fournira les groupes motopropulseurs à partir de 2026, permettant à Aston Martin de réduire ses coûts de développement interne.

Aston Martin prévoit de lancer son premier modèle 100 % électrique en 2026. Mais en attendant, la marque a entamé une transition hybride légère. Le DBX, SUV vendu autour de 200 000 €, connaîtra une version électrifiée d’ici fin 2025. Les modèles DB12 et Valour restent thermiques, mais des déclinaisons hybrides sont prévues, avec l’appui de Mercedes-AMG, principal partenaire technologique.

La marque dépend fortement de Mercedes-Benz Group, qui détient désormais 9,4 % du capital. Cette alliance permet l’accès aux plateformes hybrides et électriques du groupe allemand. Le coût de cette dépendance est toutefois stratégique : la capacité d’Aston Martin à se différencier est affaiblie.

Le projet de plateforme dédiée à la voiture électrique a été repoussé à 2027, faute de financement. Le développement reste conditionné à des levées de fonds ou à une hausse des ventes de modèles thermiques à forte marge.

Aston Martin tente de compenser ce retard par une montée en gamme sur l’expérience client : programme de personnalisation, séries limitées, repositionnement tarifaire. Mais le risque de dilution technologique demeure si la marque devient une simple déclinaison de Mercedes.

Enfin, le défi réside dans le maintien d’une identité sonore et visuelle, difficilement transposable à une chaîne de traction silencieuse. L’électrification modifie la perception même du produit, ce que la clientèle historique ne valorise pas nécessairement.

Lamborghini et Aston Martin face au virage électrique

Le positionnement des voitures de prestige dans un marché électrique

Le segment des voitures de prestige ne repose pas sur des critères de consommation ou de réduction d’émissions. Le moteur thermique est central dans l’acte d’achat. L’électrification remet donc en question les codes de ce segment.

Le marché chinois, désormais premier marché mondial du véhicule électrique, impose une mutation rapide. Mais les voitures électriques haut de gamme ne rencontrent pas toujours l’adhésion des collectionneurs ou des amateurs de GT.

Les stratégies automobiles de Lamborghini et Aston Martin visent à gagner du temps. Le modèle économique reste basé sur une production faible en volume, mais à forte valeur unitaire. La marge brute sur un modèle thermique est souvent supérieure à 30 %, contre moins de 20 % pour un modèle électrique à iso-périmètre.

Les clients attendent des sensations, un design agressif, et un caractère sonore qui ne peut être simulé artificiellement sans perte de crédibilité. Les constructeurs cherchent donc à compenser cette perte par des contenus digitaux, des expériences connectées ou des performances instantanées, sans convaincre totalement.

Les coûts de production des batteries lithium-ion (environ 120 € par kWh) restent un facteur limitant, d’autant plus que la densité énergétique ne permet pas encore de rivaliser avec un réservoir de carburant sur de longues distances à haute vitesse.

Les technologies comme l’hydrogène ou les carburants de synthèse restent au stade expérimental ou trop onéreux pour être industrialisés à court terme. Ces solutions sont évoquées mais non prioritaires dans les feuilles de route des marques.

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