La France plaide pour plus de « flexibilité » sur les normes d’émissions de l’UE

La France cherche à obtenir de la flexibilité sur les normes d’émissions de 2025 pour éviter des amendes massives pour les constructeurs automobiles européens.

La France, par la voix de son ministre de l’Économie Antoine Armand, cherche à obtenir une flexibilité sur les normes d’émissions automobiles de l’Union européenne (UE) prévues pour 2025. Ces règles, imposant une réduction de 15 % des émissions de CO2 par rapport aux niveaux de 2021, pourraient entraîner des amendes de plus de 10 milliards d’euros pour des constructeurs comme Renault, Stellantis ou Volkswagen. L’initiative française vise à protéger les industriels européens face à un marché des véhicules électriques qui peine à décoller et à éviter des sanctions qui pourraient freiner les investissements dans la transition énergétique. Toutefois, certains acteurs comme Carlos Tavares, PDG de Stellantis, mettent en garde contre l’assouplissement de ces règles, arguant que cela entraînerait des coûts plus élevés à long terme pour l’industrie.

Une pression accrue sur les constructeurs automobiles européens

Les normes d’émissions de CO2 imposées par l’Union européenne pour 2025 obligent les constructeurs à réduire leurs émissions de 15 % par rapport à 2021. Ces règles font partie d’un ensemble de mesures visant à réduire l’impact environnemental du secteur des transports, responsable d’une augmentation des émissions en Europe depuis 1990. L’industrie automobile, avec des acteurs majeurs tels que Renault, Peugeot, et Volkswagen, risque des amendes massives dépassant les 10 milliards d’euros si ces objectifs ne sont pas atteints. Ces entreprises doivent donc rapidement augmenter la proportion de véhicules électriques (VE) dans leurs ventes ou abandonner progressivement les moteurs à combustion interne.

Le marché des véhicules électriques, bien qu’en croissance, reste encore modeste en termes de volume par rapport aux véhicules thermiques. Selon l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles), les VE ne représentaient que 12 % des ventes de voitures neuves en Europe en 2023. De plus, la demande des consommateurs pour les VE ralentit, ce qui rend l’atteinte des objectifs de réduction d’émissions encore plus difficile pour les constructeurs.

La position de la France : protéger l’industrie tout en soutenant la transition énergétique

Antoine Armand a récemment souligné l’importance de prendre en compte le contexte économique pour éviter des sanctions trop sévères qui mettraient en péril l’industrie automobile. Avec une inflation persistante et des investissements considérables déjà réalisés dans la transition énergétique, les constructeurs automobiles européens sont confrontés à des marges de plus en plus serrées. En 2023, Renault et Stellantis ont investi des milliards d’euros dans la conversion de leurs lignes de production pour favoriser les véhicules électriques et hybrides.

Les pénalités financières prévues pourraient ralentir ces investissements et compromettre les efforts faits pour respecter l’échéance de 2035, fixée par l’UE, pour l’interdiction de la vente de véhicules à moteur thermique. Une telle interdiction obligerait à une transition rapide vers une flotte totalement électrique, avec des investissements supplémentaires massifs.

La France plaide pour plus de "flexibilité" sur les normes d'émissions de l'UE

Les divergences en Europe : l’Italie et l’Allemagne en désaccord

Le ministre français n’est pas seul dans sa demande de flexibilité. Le gouvernement italien, sous la direction de Giorgia Meloni, a qualifié les règles de l’UE de « politiques auto-destructrices ». L’Italie, dont l’industrie automobile est un pilier économique majeur, estime que l’interdiction des moteurs thermiques d’ici 2035 serait trop coûteuse et risquerait de fragiliser une industrie déjà en difficulté.

En Allemagne, les dirigeants de grandes entreprises comme BMW ont exprimé leurs préoccupations quant à l’impact des interdictions sur l’ensemble de l’industrie automobile. Oliver Zipse, PDG de BMW, a averti que ces interdictions pourraient provoquer une réduction massive de la taille du secteur automobile européen, mettant en danger des milliers d’emplois et fragilisant les chaînes de production. Selon Zipse, une révision anticipée des objectifs de 2035 est nécessaire pour refléter les réalités du marché actuel.

Les constructeurs divisés sur la flexibilité des règles

Cependant, la communauté des constructeurs automobiles n’est pas unanime sur cette question. Carlos Tavares, PDG de Stellantis, a mis en garde contre un assouplissement des règles, affirmant que cela pourrait augmenter les coûts pour l’industrie. Selon Tavares, continuer à investir simultanément dans les moteurs thermiques et les véhicules électriques serait une stratégie coûteuse à long terme, car elle nécessiterait des ressources doublées pour maintenir deux types de technologies en parallèle. Stellantis est déjà en train de basculer une grande partie de sa production vers des modèles électriques, et retarder cette transition pourrait faire échouer la stratégie industrielle du groupe.

Conséquences économiques pour les constructeurs automobiles

Les constructeurs européens doivent jongler avec plusieurs défis financiers majeurs. Outre les amendes potentielles, ils doivent faire face à une concurrence croissante des constructeurs asiatiques de véhicules électriques, qui offrent des modèles à des prix plus abordables. En 2023, des entreprises comme BYD (Chine) ont vu leurs parts de marché en Europe augmenter, mettant sous pression les marques européennes pour qu’elles réduisent leurs coûts.

Les investissements dans les infrastructures de recharge sont également cruciaux pour faciliter la transition vers les véhicules électriques, mais ces investissements, estimés à plusieurs milliards d’euros, ne progressent pas assez rapidement. Selon une étude de la Commission européenne, l’UE aura besoin de 3,5 millions de bornes de recharge d’ici 2030, contre seulement 300 000 en 2023, pour répondre à la demande croissante en VE. Cela impose une charge supplémentaire aux constructeurs qui doivent non seulement adapter leurs gammes, mais également soutenir l’infrastructure nécessaire.

Les défis du marché des véhicules électriques

Le marché des véhicules électriques fait face à des défis structurels. Les coûts de production des VE restent élevés en raison des prix des métaux rares, comme le lithium et le cobalt, utilisés dans les batteries. De plus, le manque d’infrastructures de recharge, en particulier dans les zones rurales, freine l’adoption des VE. En 2023, une étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a montré que les coûts des batteries représentaient environ 40 % du coût total d’un véhicule électrique. Cela signifie que tout retard dans le développement des batteries pourrait également retarder l’atteinte des objectifs européens de réduction des émissions.

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