BYD bloqué au Mexique: Pékin craint une fuite technologique vers les USA

La Chine retarde l’usine BYD au Mexique, redoutant une fuite de sa technologie automobile intelligente vers les États-Unis.

La Chine retarde l’autorisation pour BYD d’implanter une usine automobile au Mexique, invoquant le risque de transfert de technologie vers les États-Unis. Cette décision freine un projet industriel de 1 milliard d’euros, censé produire 150 000 véhicules par an et créer 10 000 emplois locaux. En toile de fond, des tensions géopolitiques croissantes entre Pékin, Washington et Mexico, ainsi que des priorités stratégiques chinoises axées sur les pays de l’initiative Belt and Road. À cela s’ajoute un système de chaînes d’approvisionnement insuffisamment structuré au Mexique pour soutenir une implantation directe. L’analyse technique de cette décision révèle ses conséquences industrielles, géopolitiques et commerciales pour le marché mondial de l’électromobilité.

Pékin bloque BYD au Mexique : analyse stratégique de la décision

L’interdiction temporaire d’une implantation industrielle de BYD au Mexique reflète un calcul géostratégique précis de la Chine. Le ministère du commerce chinois n’a toujours pas donné son feu vert, malgré l’annonce officielle du projet en 2023. Selon les sources internes, la proximité géographique du Mexique avec les États-Unis inquiète Pékin, qui craint que les technologies embarquées dans les véhicules BYD — notamment le nouveau système de conduite assistée « God’s Eye » — puissent être copiées ou intégrées dans des infrastructures concurrentes.

Ce blocage a un impact direct sur l’exportation de technologies de contrôle des batteries, de systèmes d’intelligence embarquée et de conception modulaire, éléments-clés du modèle économique de BYD. L’entreprise a vendu 4,3 millions de véhicules électrifiés en 2024, ce qui en fait le premier constructeur mondial d’EV devant Tesla. En février, BYD a levé 5,6 milliards d’euros en bourse à Hong Kong pour financer sa croissance à l’étranger.

Le projet mexicain représentait une part stratégique de cette expansion, avec une capacité prévue de 150 000 unités/an, soit l’équivalent de 3,5 % de la production annuelle actuelle de BYD. À l’échelle industrielle, cela aurait nécessité l’importation de plus de 1 000 conteneurs d’équipements industriels lourds, la construction d’un parc logistique et l’installation d’une ligne robotisée spécifique pour les batteries LFP (lithium fer phosphate).

L’enjeu pour Pékin n’est donc pas simplement économique : il s’agit d’un verrouillage technologique face à une puissance rivale. Les brevets sur les modules de batteries, la gestion thermique et les logiciels embarqués constituent des actifs à forte valeur ajoutée.

BYD bloqué au Mexique: Pékin craint une fuite technologique vers les USA

Les tensions commerciales Chine-USA-Mexique freinent le projet industriel

Le blocage du projet BYD au Mexique s’inscrit dans un contexte tendu de relations trilatérales. Les accords commerciaux en vigueur dans le cadre de l’USMCA (anciennement NAFTA) permettent à certains produits fabriqués au Mexique d’entrer sur le marché nord-américain sans droits de douane, sous conditions d’origine. Pour Washington, ce dispositif peut être exploité par des industriels chinois pour contourner les barrières tarifaires, ce qui alimente une méfiance systémique.

L’administration Trump a déjà imposé des droits de douane allant jusqu’à 25 % sur les véhicules et pièces d’origine chinoise. Le Mexique, sous pression diplomatique, a dû adopter une posture plus critique vis-à-vis des investisseurs chinois, instaurant des droits de douane sur les textiles chinois et lancant des enquêtes anti-dumping sur l’acier et l’aluminium.

L’élection de Claudia Sheinbaum à la présidence du Mexique, dans un contexte où les États-Unis dictent en grande partie la politique industrielle mexicaine, renforce cette orientation. Malgré l’annonce d’un investissement de 1 milliard d’euros par BYD, aucune proposition formelle n’a été acceptée par le gouvernement mexicain, illustrant la priorité accordée à la stabilité des flux commerciaux vers les États-Unis plutôt qu’à la diversification vers l’Asie.

Le marché mexicain représente pourtant une demande croissante : BYD y a déjà vendu plus de 40 000 véhicules en 2024, avec un objectif de 30 nouvelles concessions en 2025. Ce potentiel est freiné par les risques géopolitiques et la dépendance logistique au continent asiatique, limitant la rentabilité d’une production locale.

Les contraintes structurelles de la chaîne d’approvisionnement automobile au Mexique

L’implantation d’un constructeur comme BYD au Mexique ne peut se résumer à une simple décision administrative. L’infrastructure industrielle locale reste insuffisante pour accueillir une production massive de véhicules électriques. L’absence d’un écosystème de fournisseurs qualifiés, notamment dans les domaines de l’électronique de puissance, de l’assemblage de batteries et de la robotique d’usine, implique que BYD devrait importer la majorité des composants depuis la Chine, soumis à des tarifs douaniers entre 10 et 25 % selon les catégories de pièces.

Le coût logistique d’un tel schéma, selon les analyses du cabinet IHS Markit, se situe entre 1 200 € et 1 600 € par véhicule en surcoût, ce qui réduit la compétitivité du produit sur le marché américain. À cela s’ajoute un manque de main-d’œuvre formée, en particulier dans les métiers liés à la robotisation et à la maintenance des systèmes autonomes. Le salaire horaire moyen dans l’industrie automobile mexicaine est de 3,50 €, contre 5,90 € en Chine, mais le gain de coût est absorbé par l’inefficacité du réseau local de sous-traitance.

Même les projets d’expansion de Tesla au Mexique rencontrent des contraintes similaires. L’usine de Tesla à Nuevo León, toujours en phase préparatoire, a exigé plus de 800 millions d’euros en infrastructures publiques pour être viable à long terme.

Dans ce contexte, le report du projet BYD apparaît comme une décision rationnelle, autant sur le plan technologique qu’économique. Il reflète l’incapacité du marché mexicain à fournir les bases industrielles nécessaires pour une production EV avancée.

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Perspectives industrielles : la Chine oriente ses investissements vers d’autres zones

L’attitude chinoise à l’égard de l’implantation mexicaine de BYD s’inscrit dans une reconfiguration globale de sa stratégie industrielle extérieure. Pékin privilégie désormais les pays intégrés à l’initiative « Belt and Road », où l’influence diplomatique et la stabilité réglementaire sont jugées plus prévisibles.

L’Indonésie, la Hongrie ou encore le Brésil sont des priorités dans ce cadre, malgré les retards. Au Brésil, le projet de BYD a été suspendu en décembre 2024 après des accusations de travail forcé sur le chantier, ce qui a conduit à l’exclusion du sous-traitant chinois concerné.

La stratégie chinoise consiste à créer des hubs de production régionaux plutôt qu’à chercher un accès immédiat au marché américain. Cela permet d’optimiser la logistique continentale, d’assurer le contrôle technologique et de réduire la dépendance aux chaînes d’approvisionnement américaines.

La croissance du marché européen des véhicules électriques, avec une progression annuelle de 21 % en 2024, renforce cette logique. En Hongrie, BYD prévoit une production de 200 000 véhicules/an à partir de 2026. L’ancrage européen est devenu un axe central de contournement des tensions transpacifiques.

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