Audi reporte l’arrêt des moteurs thermiques et supprime 7 500 postes
Audi retarde la fin des moteurs thermiques prévue pour 2026 et supprime 7 500 emplois face au ralentissement du marché électrique.
Audi, filiale du groupe Volkswagen, remet en question son objectif de cesser les lancements de nouveaux modèles thermiques dès 2026. Face à une transition vers l’électrique plus lente que prévu, le constructeur allemand annonce une réduction de 7 500 postes en Allemagne, soit 14 % de ses effectifs locaux, et des pertes de rentabilité significatives. Ce revirement s’explique par la baisse de la demande en véhicules électriques, des retards de production, une concurrence accrue de la Chine, et les échecs logiciels de Volkswagen. Audi doit aussi faire face à une érosion de parts de marché en Europe et en Chine, et mise désormais sur les États-Unis et la Formule 1 pour redynamiser son image. L’annonce soulève des questions plus larges sur la viabilité industrielle du secteur automobile allemand et les limites du passage accéléré au tout-électrique.

Audi revoit sa stratégie électrique: vers un ralentissement structurel
L’annonce d’Audi concernant le réexamen de son calendrier d’abandon des moteurs thermiques marque une inflexion importante dans la trajectoire du constructeur. Initialement, la dernière gamme thermique devait être lancée en 2026, avec une fin des ventes hors Chine prévue pour 2032. Mais la réalité industrielle et commerciale rattrape la stratégie.
La transition vers le 100 % électrique est freinée par plusieurs facteurs : infrastructures de recharge insuffisantes, coût élevé des véhicules, réticence des consommateurs, problèmes d’approvisionnement en batteries, et technologies logicielles défaillantes. En Allemagne, fin 2024, seulement 97 000 bornes de recharge publiques étaient recensées, loin des 1 million de bornes prévues pour 2030.
Audi n’est pas seul : Mercedes-Benz a récemment déclaré qu’il continuerait à produire des modèles thermiques au-delà de 2030 si la demande persistait. Chez BMW, la part de modèles électriques reste inférieure à 15 % des ventes mondiales.
Ce recul d’Audi reflète aussi une réalité économique. L’électrique exige des investissements massifs (plus de 100 milliards d’euros pour le groupe Volkswagen d’ici 2030), mais la rentabilité ne suit pas : le coût moyen de fabrication d’un véhicule électrique est encore 25 à 30 % supérieur à celui d’un modèle thermique. Audi voit ainsi ses marges d’exploitation tomber à 6 % en 2024, contre 9 % l’année précédente.
La situation crée un paradoxe : les industriels investissent dans un marché encore peu mature, avec des retours sur investissement incertains, tandis que la pression réglementaire impose un calendrier rigide. Audi illustre ici les limites d’une électrification forcée, sans maturation du marché ni appui structurel suffisant.
7 500 suppressions de postes: un signal d’alerte industriel
Audi a confirmé la suppression de 7 500 postes en Allemagne d’ici 2029, soit 14 % de ses effectifs locaux. L’accord signé avec le syndicat IG Metall repose sur des départs volontaires et des préretraites, sans licenciements secs avant 2033. Cette décision s’intègre dans une politique de réduction de coûts estimée à 1 milliard d’euros sur le moyen terme.
Ce plan social survient alors que l’ensemble du secteur automobile allemand connaît une phase de repli structurel. Le groupe Volkswagen, maison-mère d’Audi, prévoit 35 000 suppressions d’emplois d’ici 2035, soit plus de 10 % de ses effectifs mondiaux.
La situation reflète un déséquilibre croissant entre les compétences requises pour l’électrique (logiciels, batteries, électronique) et les métiers historiques (mécanique, usinage, assemblage thermique). Une étude de l’Institut Ifo en 2024 estimait que 215 000 emplois industriels pourraient disparaître en Allemagne d’ici 2035 si la transition électrique ne génère pas suffisamment de relocalisation industrielle.
Le risque de désindustrialisation est clairement identifié par les syndicats et les économistes. L’Allemagne voit ses exportations automobiles reculer de 6 % en 2024, et sa balance commerciale des composants électriques est déficitaire, en grande partie au profit de la Chine, devenue le premier exportateur mondial de batteries et de véhicules électriques.
L’arrêt de l’usine Audi de Bruxelles, active depuis 75 ans, illustre également cette rétraction. L’usine produisait le Q8 e-tron, premier modèle électrique d’Audi lancé en 2018, mais dont les volumes ont chuté face aux retards du Q6 e-tron et aux faibles marges dégagées.
Rentabilité dégradée et repositionnement stratégique
Audi affiche une baisse de 38 % de son résultat opérationnel, passant de 6,3 milliards d’euros à 3,9 milliards d’euros en un an, pour 12 % de véhicules livrés en moins. Le taux de marge a chuté à 6 %, bien en-dessous des 10 % attendus dans l’industrie premium.
Plusieurs causes structurantes expliquent cette chute :
- Retard du Q6 e-tron, bloqué par des échecs logiciels dans la plateforme VW.OS développée par la filiale Cariad.
- Compétition frontale des marques chinoises comme BYD, Nio, XPeng, proposant des modèles plus accessibles, mieux équipés, et produits à moindre coût.
- Tarifs douaniers américains en hausse, rendant les modèles Audi moins compétitifs sur le marché nord-américain.
Le constructeur veut désormais se repositionner sur le segment haut de gamme électrique avec 20 nouveaux modèles d’ici fin 2025, dont la nouvelle Audi Q3, plus compacte, et le Q6 e-tron, positionné sur le milieu de gamme. L’objectif est de rajeunir la gamme pour atteindre le plus faible âge moyen de catalogue du segment premium européen.
Mais cette stratégie reste fragile tant que les logiciels et plateformes numériques ne sont pas fiables. La rentabilité à court terme semble compromise, et le groupe comptera sur la hausse modérée des prix de vente, ce qui pourrait freiner la demande dans un contexte de ralentissement du pouvoir d’achat européen.

Audi parie sur la Formule 1 : une stratégie d’image coûteuse mais ciblée
Malgré ses difficultés, Audi confirme son entrée en Formule 1 en 2026 via l’acquisition de Sauber. L’investissement est estimé à environ 600 millions d’euros, sans compter les budgets d’exploitation annuels.
Cette décision repose sur une logique marketing offensive visant à renforcer l’attractivité de la marque sur les marchés américain, moyen-oriental et asiatique. La Formule 1 connaît une croissance d’audience annuelle de 12 % depuis 2020, notamment via le format Netflix “Drive to Survive”.
Mais le coût de ce repositionnement reste élevé, alors même que l’entreprise restructure massivement ses activités. Les retours sur image sont difficilement mesurables, et la performance en piste influencera fortement l’efficacité de cette stratégie.
La F1 impose en outre des contraintes technologiques spécifiques, notamment sur les groupes motopropulseurs hybrides, qui n’ont pas d’application directe sur la gamme de série Audi. Le risque est donc de dissocier les efforts marketing des bénéfices industriels réels, ce qui pourrait affaiblir encore la cohérence de la stratégie du groupe.
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