L’Europe risque de devenir une usine d’assemblage de batteries pour la Chine
L’Europe est confrontée à un risque croissant de devenir une simple « usine d’assemblage » pour les fabricants chinois de batteries. Cette situation découle de partenariats axés sur l’approvisionnement à court terme, sans cadre réglementaire pour le transfert de technologies et de compétences. Des collaborations, telles que celle entre Stellantis et CATL pour une usine de 4,1 milliards d’euros en Espagne, illustrent cette tendance. Sans exigences de transfert de savoir-faire, l’Europe pourrait se retrouver dépendante technologiquement, compromettant sa souveraineté industrielle et sa sécurité énergétique.
Les partenariats actuels : une dépendance accrue
Stellantis et CATL : une collaboration sans transfert technologique
En décembre 2024, Stellantis a annoncé la construction d’une usine de batteries au lithium en Espagne, en partenariat avec le géant chinois CATL. Ce projet, évalué à 4,1 milliards d’euros, vise à renforcer l’approvisionnement en batteries pour les véhicules électriques du constructeur européen. Cependant, selon les informations disponibles, aucun accord spécifique n’a été établi pour le transfert de technologies ou de compétences de CATL vers Stellantis ou d’autres entités européennes. Cette absence de clauses de transfert technologique soulève des préoccupations quant à la dépendance croissante de l’Europe vis-à-vis des technologies chinoises dans le secteur des batteries.

Volkswagen et Gotion High-tech : une intégration limitée
Volkswagen a également établi un partenariat avec le fabricant chinois de batteries Gotion High-tech pour sa future usine à Salzgitter, en Allemagne. En 2020, la filiale chinoise de Volkswagen a investi 1,1 milliard d’euros, devenant ainsi le principal actionnaire de Gotion. Malgré cet investissement significatif, le transfert de propriété intellectuelle et de savoir-faire technologique semble limité. Cette situation illustre une tendance où les constructeurs européens investissent massivement dans des collaborations avec des entreprises chinoises sans garantir une acquisition substantielle de technologies critiques.
Les risques géopolitiques et sécuritaires
Une concentration de la production en Asie
Actuellement, plus de 90 % des batteries pour véhicules électriques et de stockage d’énergie sont produites par des entreprises sud-coréennes et chinoises. Cette concentration géographique de la production expose l’Europe à des vulnérabilités en matière d’approvisionnement, notamment en cas de tensions géopolitiques ou de perturbations des chaînes logistiques. La dépendance à des fournisseurs non européens pourrait ainsi compromettre la sécurité énergétique et industrielle du continent.
L’absence de cadre réglementaire européen
Contrairement aux États-Unis, où des exigences strictes en matière de transfert de compétences et de contrôle des partenariats sont en place lors de collaborations avec des fabricants étrangers, l’Europe ne dispose pas encore d’un cadre réglementaire similaire. Cette lacune réglementaire pourrait entraîner une perte de compétitivité pour l’industrie européenne et une dépendance accrue aux technologies importées, limitant ainsi la capacité du continent à innover et à maîtriser les chaînes de valeur stratégiques.
Les conséquences pour l’industrie européenne
Un retard technologique accru
Sans un accès direct aux technologies de pointe développées par les partenaires asiatiques, les entreprises européennes risquent de prendre du retard dans le développement et la production de batteries de nouvelle génération. Ce décalage technologique pourrait affecter la compétitivité des véhicules électriques européens sur le marché mondial, où l’innovation et l’efficacité énergétique sont des facteurs clés de succès.
Une dépendance économique et stratégique
La dépendance envers les fabricants chinois pour des composants essentiels comme les batteries pourrait affaiblir la position stratégique de l’Europe. En cas de tensions commerciales ou politiques, cette dépendance pourrait se traduire par des ruptures d’approvisionnement, affectant l’ensemble de la chaîne de production automobile et, par extension, l’économie européenne.

Les initiatives européennes pour réduire la dépendance
Vers une réglementation proactive
Face à ces défis, la Commission européenne envisage de mettre en place des réglementations exigeant des entreprises étrangères un transfert de propriété intellectuelle en échange de subventions ou d’aides d’État. Cette approche viserait à renforcer les capacités technologiques locales et à assurer une plus grande autonomie stratégique. Cependant, pour être efficace, cette réglementation devra être comparable aux mesures déjà en place en Chine et aux États-Unis, où des exigences strictes encadrent les partenariats avec des entités étrangères.
Le développement de champions locaux
L’Europe s’efforce également de développer ses propres capacités de production de batteries. Des initiatives telles que l’« Alliance européenne des batteries » visent à soutenir les entreprises locales et à encourager l’innovation dans ce secteur stratégique. Cependant, ces projets nécessitent des investissements massifs et une coordination étroite entre les États membres pour rivaliser efficacement avec les géants asiatiques déjà bien établis.
L’Europe est à un tournant décisif dans sa transition vers une mobilité électrique durable. Pour éviter de devenir une simple plateforme d’assemblage pour les technologies étrangères, il est impératif que le continent mette en place des politiques robustes favorisant le transfert de technologies et le développement de compétences locales. Sans une action concertée et proactive, l’Europe risque de compromettre sa souveraineté industrielle et sa sécurité énergétique à long terme.
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