La confiance mal placée dans les voitures semi-autonomes

L’automatisation partielle des voitures encourage une dangereuse complaisance chez les conducteurs, avec des implications majeures pour la sécurité routière.

La montée des véhicules semi-autonomes, dotés de systèmes d’automatisation de niveau 2, génère une comportement risqué chez les conducteurs : l’automatisation partielle donne souvent une fausse impression de sécurité et encourage la déconcentration. Ce phénomène, connu sous le nom de « complaisance de l’automatisation », pousse les conducteurs à accorder une confiance excessive à la technologie, avec des conséquences graves. Des systèmes de surveillance et d’alerte sont en place pour rappeler aux conducteurs de rester attentifs, mais ils ne suffisent pas toujours à éviter les accidents.

Les niveaux d’automatisation et la problématique de la « complaisance de l’automatisation »

L’industrie automobile est en pleine transition vers des technologies de conduite autonome. Cependant, la majorité des véhicules disponibles aujourd’hui utilisent des systèmes d’automatisation dits de niveau 2, où certaines fonctions, comme le maintien de voie ou le régulateur de vitesse adaptatif, sont automatisées. Malgré cette assistance, le conducteur reste essentiel pour la supervision. Or, cette situation intermédiaire pose un problème : la complaisance de l’automatisation, un phénomène psychologique étudié depuis des décennies, notamment dans l’aviation et la fabrication, qui se traduit par un relâchement de la vigilance humaine face à des systèmes automatiques performants.

Lorsque les conducteurs font confiance au véhicule, leur attention diminue, ce qui complique leur réactivité en cas de problème. Selon des études, la plupart des utilisateurs de véhicules semi-autonomes perdent progressivement leur attention et tendent à se déconnecter de la conduite active. Cela représente un danger réel : le National Transportation Safety Board aux États-Unis a établi un lien direct entre cette complaisance et plusieurs accidents graves.

La confiance mal placée dans les voitures semi-autonomes

Surveiller les conducteurs : une solution insuffisante

Pour compenser ce manque de vigilance, les régulateurs ont imposé des dispositifs visant à surveiller le conducteur. Ainsi, les voitures semi-autonomes sont souvent équipées de capteurs sur le volant pour vérifier que les mains sont en contact, et de caméras internes qui analysent la position de la tête et la direction du regard. Ces systèmes alertent le conducteur par des signaux sonores, visuels ou vibrants lorsque l’attention diminue. Tesla, par exemple, utilise un système de « strikeout » qui suspend temporairement le mode semi-autonome si le conducteur cumule trop de manquements.

Cependant, ces méthodes se révèlent limitées. Une étude réalisée par Volvo Cars a montré que malgré les rappels de rester attentifs, près de 30 % des conducteurs se sont laissé surprendre par un obstacle sur la route lors d’un test. Ces conducteurs ont rapporté qu’ils avaient vu l’obstacle mais s’étaient fiés à la capacité de la voiture pour le gérer, illustrant la forte dépendance au système automatisé, même en cas de situation dangereuse.

La fausse impression de sécurité : une conséquence de la confiance excessive

Les véhicules semi-autonomes, en automatisant certaines tâches de conduite, induisent souvent une fausse impression de sécurité. Les conducteurs supposent que le véhicule gère les situations à leur place, même lorsque les manuels d’utilisation précisent les limites des capteurs et de l’algorithme. Cette tendance à faire aveuglément confiance à la technologie est accentuée par la qualité des performances de ces systèmes, qui fonctionnent efficacement dans des conditions normales, mais peuvent échouer dans des contextes plus complexes ou imprévus.

Ce type de confiance excessive crée un danger latent, car la transition entre l’automatisation et la prise de contrôle humaine en situation d’urgence est souvent trop lente. Des études montrent que plus l’automatisation est performante, plus les conducteurs ont tendance à se relâcher, augmentant ainsi le risque d’accident. Cette situation soulève des questions éthiques et techniques sur l’introduction progressive de l’automatisation dans le quotidien.

Vers une collaboration homme-machine plus équilibrée

Des experts en sécurité, comme Mica Endsley, préconisent une approche qui permet au conducteur de rester actif tout en laissant la machine assister en arrière-plan, plutôt que de prendre le contrôle total. Ce modèle de conduite, souvent appelé supervision active, implique que le conducteur garde le contrôle des mouvements du véhicule, avec une assistance minimale de l’algorithme pour corriger des trajectoires ou gérer des situations simples. Cela limite le risque de relâchement de l’attention et assure que le conducteur conserve une bonne perception de la route.

Les solutions technologiques pour une supervision active pourraient inclure des systèmes de guidage plus subtils, plutôt que des systèmes qui s’interposent brusquement dans la conduite. Cette approche diminue l’impact psychologique de la complaisance, car le conducteur reste impliqué. Pour aller plus loin, les constructeurs pourraient ajuster le niveau d’automatisation en fonction de la complexité de la route, un système déjà en développement dans certaines marques.

La confiance mal placée dans les voitures semi-autonomes

L’impact économique de l’automatisation sur le marché automobile

Le développement de véhicules semi-autonomes représente un secteur clé pour l’industrie automobile, mais la complaisance de l’automatisation constitue un frein potentiel à l’adoption de ces technologies par le grand public. D’ici 2030, le marché des véhicules autonomes devrait atteindre plus de 500 milliards d’euros, selon les estimations de Goldman Sachs. Toutefois, le coût des dispositifs de surveillance du conducteur et des technologies d’automatisation de niveau 2-3 entraîne un surcoût significatif pour les constructeurs et limite la rentabilité de ces véhicules pour les classes moyennes.

À court terme, les constructeurs investissent dans des capteurs avancés et des systèmes d’apprentissage automatique pour améliorer la sécurité, mais l’incertitude liée à la perception des conducteurs et aux accidents pourrait freiner cet élan. Les compagnies d’assurance, quant à elles, surveillent de près l’évolution de ces technologies, car une augmentation des accidents liés à l’automatisation partielle pourrait influencer les primes d’assurance et les politiques de couverture.

L’avenir de l’automatisation dans les transports : des défis à relever

La sécurité routière est en pleine mutation avec l’émergence de l’automatisation dans les véhicules. Cependant, tant que la technologie ne sera pas prête à gérer de manière autonome toutes les situations, une approche équilibrée entre automatisation et implication humaine reste essentielle. Les constructeurs, les régulateurs et les chercheurs doivent collaborer pour établir des normes de sécurité claires, minimiser la complaisance et éduquer les utilisateurs sur les limites actuelles des systèmes.

L’évolution vers des niveaux d’automatisation plus élevés dépendra de la capacité des ingénieurs à concevoir des systèmes véritablement autonomes, sans faille. En attendant, le compromis entre assistance et contrôle humain semble inévitable.

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